Les 4 thèmes de recherche de MINnD sont alimentés par des travaux issus d’expérimentations théoriques, appliquées à des projets réels ou réalistes. Dans la première tranche du projet MINnD, nous proposons de nous focaliser sur des problématiques concrètes, identifiées dans des déroulements de projets réels d’infrastructures et qui englobent plusieurs processus.
Ces problématiques, que nous appelons cas d’usage théoriques, serviront de matière aux livrables, et de base de réflexions des tranches suivantes, dans lesquelles d’autres cas d’usage théoriques pourront être identifiés. Le choix des cas d’usage théoriques comporte une part d’arbitraire et peut omettre des problématiques qui pourront sembler essentielles à certains (délais, programmation, etc.). Cet arbitrage se trouvera ipso facto résolu lors des tranches ultérieures du projet MINnD.
La première tranche du projet MINnD sera composée des 6 cas d’usage théoriques détaillés ci-après, qui s’appuieront sur les projets réels évoqués au chapitre précédent.
Cas 1 - Cas d’usages normalisés étendus aux infrastructures
Le projet openINFRA, dans le cadre de la « Roadmap 2016 » proposée à BuildingSmart International par le Gouvernement Britannique, a défini des cas d’usages prioritaires relatifs aux infrastructures. Ils s’appuient sur la représentation traditionnelle des cas d’usage du BIM, extrapolable du bâtiment à l’ensemble des ouvrages d’une infrastructure, à laquelle nous ajoutons un niveau supplémentaire, lié aux interactions entre les ouvrages de domaines particuliers ou d’un usage commun transversal. Par exemple, la problématique ou le cas d’usage « acquisition foncière » (Land acquisition) n’est pas propre à un ouvrage particulier de l’infrastructure. C’est une problématique propre à l’infrastructure dans sa globalité.
BIM use cases
Le projet MINnD propose de s’inscrire dans cette démarche « BIM use cases ». Le cadre spécifique dans lequel se développent les contrats français (loi MOP), ainsi que l’expérience acquise avec COMMUNIC permettent et nécessitent de valider ou de modifier cette proposition qui offre un cadre international commun de réflexion sur le « scope » à couvrir.
Cette appropriation et définition d’une grille « Infra Use Cases », comme une des premières tâches du projet MINnD, permettent d’annoncer clairement les objectifs, les enjeux, le reste à faire, bien au-delà de la problématique de la représentation 3D.
Cette approche sera expertisée et validée par les partenaires identifiés du projet qui sont par ailleurs les acteurs indispensables et incontournables de la filière et des domaines de connaissances impliqués.
Cas 2 - Cycle de vie appliqué aux Chaussées
Avec ce cas d’usage appliqué aux Infrastructures linéaires et avec le large spectre de compétences des partenaires, il est proposé de se préoccuper du domaine des chaussées qui fait l’objet depuis longtemps d’une « approche durable » demandée par les bailleurs de fond.
Ce sujet est intéressant à plusieurs titres :
- La possibilité de définir un dictionnaire des objets semble assez réaliste, d’autant que, de façon simplifiée, on pourrait dire que la manière de définir une chaussée évolue plus lentement que certains autres éléments de patrimoine de la route.
- Il pose le problème du passage éventuel d’un modèle géométrique (dans LandXML, il est surfacique) à un modèle de type solide. Néanmoins le but de l’expérimentation ne serait pas de résoudre cette problématique mais plutôt celle du modèle de métadonnées à associer à ces éléments de patrimoine.
- Le nombre des interfaces est limité, et les problématiques de conception / construction / exploitation sont déjà interconnectées. De ce fait il est relativement facile d’appréhender les notions de niveau de définition / décision, et de gestion des points de vue (Model View Definition).
- Les points de vue sont bien identifiés : concepteur, constructeur, bailleur de fonds, concessionnaire, exploitant, et les enjeux financiers sont parfaitement définis.
- Les standards de dimensionnement et les règles de mise en œuvre sont identifiées et connues (cf. les manuels chaussée d’EGIS ou le guide du SETRA qui servent de référentiel en France).
- Les stratégies d’entretien font appel à des modèles standardisés, notamment par la Banque Mondiale ou à des modèles financiers dans le cadre de concessions (hand back condition, mise à péage).
- Il y a également l’opportunité de monter une expérimentation orientée PLM (Product Lifecycle Management), faisant intervenir des gestionnaires de patrimoine avec des spécialistes du PLM issus de l’industrie manufacturière.
Cas 3 - Projet d’Ouvrages d’art
IFC-Bridge est une extension des IFC, spécifiques aux ouvrages d’art, développée par le SETRA, avec l’appui technique du CSTB et dans le cadre officiel de BuildingSmart et par des coopérations entre les chapitres Francophone, Japonais, Nordique et Allemand.
Ce modèle, reconnu assez complet pour les ponts, n’a pas été encore formellement intégré dans les IFC, ni implémenté par les éditeurs de logiciels, dans l’attente d’un projet plus complet de fusion avec un modèle « IFC-Road » ou « IFC-Infra ».
- Dans le cadre du projet MINnD et en coopération avec l’initiative openINFRA (sous l’égide de BuildingSmart International), les freins actuels à l’utilisation de ces IFC-Bridge seront identifiés et un plan d’actions sera établi de manière à lever les verrous qui entravent le déploiement de cette extension.
- Les éléments manquants du modèle seront définis (classes d’objets non présentes, sémantique incomplète, relations fragmentaires) afin de compléter la liste des objets nécessaires à l’utilisation de IFC-Bridge dans le cadre d’un cas réel d’expérimentation.
- La méthodologie du travail réalisé pour les IFC-Bridge pourra être formalisée, puis réutilisée pour définir d’une manière générique les classes d’objets destinées aux infrastructures, dans le but de mettre au point le dictionnaire des objets, détailler la sémantique de chaque objet,définir les relations et liens entre classes d’objet.
Tous ces travaux seront basés sur des cas réels d’expérimentation, et utiliseront les données de ponts mixtes récemment construits. Cela permettra d’utiliser immédiatement des données 3D combinant objets de charpente métallique et béton précontraint.
Cas 4 - Revue de projet / validation
Dans ce cas d’usage lié aux processus de gestion des données, nous nous proposons de nous focaliser sur la validation des informations d’une Maquette Numérique. Le but est de revisiter le processus actuel basé sur la validation de plans 2D pour l’appliquer aux objets et informations d’une Maquette Numérique.
Le projet de recherche COMMUNIC a mis en évidence les avantages et inconvénients de l’utilisation des plans 2D (COMMUNIC Livrable L2 – B2 – Gestion de la MN pendant la conduite de Projet).
L’utilisation d’une Maquette Numérique change le paradigme, car elle devient désormais la référence du projet, et propose :
- une description géométrique 3D, assemblage non redondant d’objets ;
- une approche globale, qui facilite la coordination.
Chaque plan devient alors une vue particulière de la maquette. Le modèle de données décrit le projet de façon complète. Tout est explicite : il n’y a pas d’informations implicites liées à des conventions. En conséquence, certaines analyses et contrôles peuvent être réalisés directement par la machine sans intervention humaine.
Le contrôle de cohérence des informations se fait donc sur la maquette. On ne valide plus de plans mais les objets qui constituent la maquette. Les plans sont issus de la MN, édités à la demande, seulement pour les ouvriers sur le chantier.
Néanmoins, les validations envisagées semblent complexes et laborieuses, voire contraignantes. Il faut expérimenter et simplifier, en permettant par exemple la validation de groupes d’objets ou d’assemblages, et non plus simplement la validation de composants « objet par objet ». Il faut impérativement des données interprétables par la machine pour préparer la décision humaine.
La gestion des données d’une Maquette Numérique doit impérativement répondre aux besoins des processus suivants :
- échanges,
- versions,
- variantes,
- statuts de validation des informations et des flux associés,
- propriétés : informations privées, publiques, responsabilité, propriétés intellectuelles, etc.
Actuellement, ces fonctionnalités peuvent être trouvées dans les logiciels de Gestion Électronique de Documents (GED) et de Product Lifecycle Management (PLM). Mais telles qu’elles sont proposées aujourd’hui, elles sont loin d’être parfaitement complètes et adaptées, notamment pour l’état de validation ou de maturité des données. Aujourd’hui les outils proposés sont le plus souvent des GED plus ou moins optimisées, là où il faudrait utiliser un PLM de projet. Mais ces logiciels sont conçus pour gérer les documents ou les fichiers, pas – ou peu – les informations portées par les objets.
Ce cas d’usage « Revue de projet / Validation » proposera un cas d’expérimentation complet, basé sur une Maquette Numérique mettant en scène plusieurs acteurs de disciplines différentes, intervenants à des phases diverses du projet, et à des niveaux différents de définition, liés aux différents niveaux de maturité de la conception.
Nous aborderons les sujets suivants :
- règles de nommage des objets, des fichiers et des modèles numériques;
- changements et montées d’indice lors de modifications ;
- organisation des revues de projets ;
- incorporation de nouveaux partenaires pendant le cycle de vie du projet ;
- caractère contractuel de ce processus.
Cas 5 - Maîtrise des coûts par la modélisation
Les approches traditionnelles de la modélisation au travers du BIM ou des SIG, découlent principalement d’une approche géométrique. Les modèles IFC ou CityGML tentent de décrire le projet par une arborescence d’objets décrits principalement par de la géométrie, à laquelle on agrège, dans la mesure du possible, des données et des métadonnées, sous forme d’attributs et de liens.
Dans le monde industriel et dans les environnements anglo-saxons, cette approche est en concurrence avec celle de la description par classe d’objets, Uniclass (UK) ou Omniclass (US), débouchant sur le « COBIE » . Elle permet, dans les Documents de Consultation des Entreprises (DCE), d’associer de façon normalisée les spécifications techniques à la liste des objets à construire. Dans le monde du BTP, et particulièrement en France, la mise au point des DCE se fait en trois phases pas toujours ordonnées, mais qui répondent à l’exigence globale que les éléments de conception suivants sont réalisés :
- définition du CCAP, pièce maîtresse du contrat et donc de l’ouvrage à construire, qui permet de décrire l’engagement financier, les délais, et les relations entre les acteurs.
- la mise au point de l’estimation sur laquelle s’appuie l’engagement financier avec un quantitatif décrivant un découpage en « objets » à construire.
- le CCTP, qui est, contractuellement, la deuxième pièce dans l’ordre d’importance des documents du marché public, et qui vient donner les spécifications techniques pour réaliser les objets à construire.
Description d’un dossier de consultation (Source : EGIS)
L’objectif de ce cas d’usage est donc d’appréhender le modèle de données à partir de l’analyse d’un marché public afin d’analyser :
- Comment un processus d’estimation évolue à chaque phase, en faisant apparaitre les évolutions du modèle de données. Une estimation en phase APS puis en phase APD selon un même modèle de donnés de plus en plus détaillé. Les éléments constitutifs d’un prix, selon l’interlocuteur et selon les phases, ne se construit pas avec la même agrégation d’éléments.
- Comment confronter ou consolider la description d’un projet par objets géométriques avec la description d’un projet dans les documents d’un marché, qui se décompose en ouvrages, lots, et tâches. Nous nous proposons de confronter la description d’un marché tel que décrit ci-dessous, avec l’approche par niveau décrite dans COMMUNIC.
Cas 6 - Infrastructure et environnement
La fragmentation du paysage due entre autres aux infrastructures (routières et ferroviaires) est une des causes de l’appauvrissement de la biodiversité par une réduction de la diversité génétique et en entravant l’adaptation des populations animales aux changements. De plus les traversées animalières génèrent des accidents et des retards au trafic.
Les passages à faune et corridors écologiques (verts ou bleus) tentent d’apporter des réponses à ces problèmes de fragmentation mais génèrent des coûts importants et peuvent manquer d’efficacité si leur localisation ou leur environnement n’ont pas été choisis de façon optimale.
Des recherches en cours (Laurence Jolivet IGN-IFSTTAR-LADYSS) montrent que l’on peut construire des modèles de simulation de déplacements animaliers pour étudier l’impact des infrastructures sur les déplacements et l’efficacité de divers types de passage à faune en fonction de l’environnement géographique. Il semblerait par exemple que l’association de passages à faune et de corridors écologiques menant à ces passages améliorent grandement l’efficacité des passages.
Ces travaux ont montré qu’une analyse environnementale de l’infrastructure nécessite la prise en compte de données en 2.5D de type RGE mais aussi des données d’occupation des sols et une description précise de l’infrastructure existante ou en projet. On est donc confronté à de nombreux problèmes d’interopérabilité entre données qu’on gagnerait à résoudre de façon automatisée. Au niveau des outils logiciels, le monde des SIG propose des outils en 2D, 2.5D et 3D mais qui ne sont pas conçus pour porter des scénarios d’aménagement des infrastructures, même s’ils ont tous les composants logiciels pour le faire et qu’on pourrait imaginer les utiliser par défaut.
De plus ces études environnementales nécessitent le couplage (l’intégration) de données à granularité variable allant d’éléments topographiques standard (de précision métrique ou décimétrique) à d’autres éléments plus précis issus de projet d’aménagements (décimétrique ou centimétrique).
Le but de cette recherche entre différents partenaires du monde des infrastructures, de la géographie et de l’aménagement est de partir du cas particulier de l’évaluation de l’impact d’infrastructures sur les déplacements animaliers et d’analyser ce qu’il faudrait pour rendre l’analyse d’un territoire existant plus pertinent dans le cadre d’un projet d’amélioration ou dans le cadre de la construction d’une nouvelle infrastructure.